Amateur d’Histoire et de patrimoine, découvrez l’Histoire des Pénitents de Villefranche de Rouergue.
L’origine des confréries de pénitents
Le concept de “pénitence” naquit au XIIe siècle en Italie, dans le sens de “don de soi à l’autre”, en reprise de la citation biblique : “Le temps est accompli et le royaume de Dieu est proche ; faites pénitence”. Avec les affres de la guerre de Cent Ans et les multiples épidémies qui frappèrent l’Europe, une multitude de confréries d’entraide se développèrent dans toute l’Europe.
Néanmoins, c’est à l’aube du XVIe siècle qu’elles connurent un essor considérable, en réaction à la montée du protestantisme insufflée par Martin Luther. En 1517, ce moine allemand secoua l’Eglise catholique de Rome en dénonçant tous les abus et les excès qui siégeaient au sein même du Vatican. Il s’éleva notamment contre le système des Indulgences qui permit au pape de financer la reconstruction de la basilique Saint-Pierre. En effet, cela faisait plusieurs décennies que la papauté s’enrichissait sur la crédulité des fidèles qui pensaient pouvoir s’affranchir de leurs péchés et obtenir le salut divin en échange d’argent. C’est ainsi que la Réforme protestante naquit en Allemagne avant de se diffuser en Suisse et en France par l’intermédiaire de Jean Calvin. Rapidement, cette nouvelle doctrine affranchie du Saint-Siège toucha les élites d’un grand nombre de communes dont Villefranche-de-Rouergue.
Pour lutter contre cela, l’Eglise catholique de Rome établit, entre 1545 et 1563, le concile de Trente. Ce rassemblement eut pour but de corriger les méfaits dénoncés par les autorités huguenotes et de réaffirmer le message de l’évangile. De plus, il maintint les sept sacrements, dont celui de la pénitence, et mit en avant l’éclat et le luxe de l’autorité papale, à travers le développement de l’art baroque.
Afin de prendre le contrepied de l’absence d’images prônée dans le protestantisme, le catholicisme décida de diffuser le pouvoir de Rome en enrichissant et en théâtralisant ses édifices par un jeu de couleurs, de dorures et de mouvements. Malheureusement, cela n’empêcha pas le déclenchement des guerres de Religion avec le massacre de Wassy en 1562. Une série de huit conflits d’une extrême violence déchira le peuple français, dont l’épisode le plus marquant reste la nuit de la Saint Barthélémy, le 24 août 1572, où des dizaines de milliers de protestants furent massacrés dans tout le royaume.
Qui étaient les pénitents ?
Après la signature de l’édit de Nantes par Henri IV en 1598, il fut décidé de ne plus lutter contre les protestants par la force mais par une réaffirmation de la pensée catholique. Maintenant l’idée que les bonnes œuvres permettraient de sauver les âmes de l’enfer, des hommes et des femmes, soucieux d’accéder à la vie éternelle, s’allièrent dans des confréries de pénitents. Ces derniers, essentiellement composés de laïcs, se réunissaient dans leur chapelle pour faire des dévotions avant de partir au sein de la cité pour aider les plus démunis. Parmi leurs tâches principales, ils soignaient les malades, s’occupaient des orphelins, prenaient en charge les pauvres, accompagnaient les condamnés à mort et organisaient les cérémonies funéraires. Ils portaient un froc dont la couleur matérialisait leur appartenance ainsi qu’une corde à la taille et un chapelet. Cependant, l’élément majeur de leur habit était le capuce, soit la cagoule qu’ils portaient sur la tête, en signe d’humilité et de protection sanitaire.
Des pénitents à Villefranche de Rouergue
Deux confréries de ce type virent le jour à Villefranche-de-Rouergue en 1609, celle des pénitents bleus, sous le vocable de saint Jérôme, et celle des pénitents noirs, sous la protection de la sainte Croix. Cette dernière n’avait cependant pas le financement nécessaire au cours de ses premières années de vie pour posséder sa propre chapelle. L’achat d’une parcelle à l’extrémité nord de la bastide, le financement du gros-œuvre et le don de plusieurs pénitents permirent la réalisation de la chapelle. D’ailleurs, un de ces confrères repose encore aujourd’hui au cœur de l’édifice, selon ses toutes dernières volontés testamentaires.
La confrérie atteignit son apogée dans la première moitié du XVIIIe siècle avec plus de 300 membres, hommes et femmes. Elle s’enrichissait grâce aux cotisations de ses membres ainsi qu’aux enchères qui étaient effectuées avant chaque procession, le Vendredi Saint et le jour de l’Exaltation de la Sainte Croix. Le plus grand donateur avait l’honneur et le privilège d’incarner le Christ lors de la pérégrination qui partait de la chapelle pour rejoindre la chapelle Saint-Jean d’Aigremont, après être passé dans les rues de la cité et par les différentes stations du calvaire. Cet argent permit de faire appel à des ateliers extrêmement talentueux que ce soit pour les parties lapidaires et les boiseries, qui n’ont rien à envier aux majestueux édifices baroques de la Ville Eternelle.
Cependant, la vitalité de la confrérie, qui fut dissoute à la Révolution Française avant de reprendre en 1805, ne perdura que jusqu’en 1905 et la loi de séparation des Eglises et de l’Etat. En effet, il n’y avait pas assez de membres et donc pas assez d’argent pour le maintien des actes de charité au cœur de la cité. En 1920, la chapelle fut classée Monument Historique avant que de grands chantiers de restauration ne commencent à partir des années 1970.